HISTOIRES DE SCIENCE-FICTION
HistoiresDeScience-Fiction.com




Retour à l'index










UN VOYAGE POUR RIEN



Par Normand Dubois











Année 2121, vaisseau d'exploration 'Jacques Cartier', 0.5 année-lumière de la Terre.

Équipage:
Capitaine Pierre Bélanger.
Officier scientifique Louis Boisvert.
Biologiste Maria Sanchez.




-- Capitaine, c'est une planète classe 2, deux tiers de la masse de la Terre, on peut y respirer en ne faisant pas trop d'efforts.

Le Capitaine Bélanger pousse un soupir de soulagement.

-- Et moi qui pensais que nous reviendrions bredouilles, voilà enfin quelque chose à se mettre sous la dent, ce n'est pas trop tôt.

-- En effet, ça commençait à être ennuyant. En six mois, c'est la première planète que l'on voit où on peut dire sans se tromper qu'il y a de fortes probabilités d'y trouver de la vie.

-- On a de la chance, Boisvert, une semaine de plus et nous serions sur le chemin du retour vers la Terre. Je vais aller prévenir Maria, prépares les senseurs et les caméras, on va voir de quoi cette planète a l'air avant d'y aterrir.


#



Palais royal du royaume de Pajar.

-- Excellence, on signale un vaisseau spatial qui tourne autour de notre planète.

-- Un vaisseau spatial? Mais les forces rebelles n'ont pas la technologie pour envoyer un vaisseau dans l'espace, nous non plus d'ailleurs. Les radars ont dû détecté un météorite, tout simplement.

-- Pas besoin de radar, Excellence, on peut le voir à l'oeil nu.

Le roi de Pajar et son ministre de la guerre sortent sur le balcon du palais royal et regardent au ciel.

-- Mais c'est incroyable, un vaisseau de cette taille ne peut exister, sa longueur doit représenter dix pour cent du royaume! Avez-vous tenté d'entrer en communication avec lui?

-- Oui, on a essayé sur toutes les fréquences, mais nous n'avons reçu aucune réponse.

-- Mettez notre système de défense sur alerte maximale et convoquez le conseil suprême. En attendant, je ferai une allocution télévisée pour calmer la population.


#



L'équipage examine les données receuillies par les appareils de détection.

-- Plutot désertique comme planète, n'est-ce pas?

-- En effet Capitaine, du sable, du roc, encore du sable, un peu de lichen, température moyenne de -1 degré celcius, ça me fait penser à la toundra Canadienne.

-- Oui, mais sans les caribous, aucune trace de vie en surface. Par contre, de très faibles ondes radios ont été détectées, as-tu une idée de ce que ça pourrait être?

-- Dur à dire Capitaine, elles sont tellement de faibles intensités que ça peut être n'importe quoi; concentrations tellurgiques, orages électriques, etc.

-- À première vue, c'est plutot décevant, du lichen, on en a en masse sur la Terre. Et toi Maria, vois-tu quelque chose?

-- Oui Capitaine, regardez ce petit point orangé sur l'écran à 100 kilomètres au sud, on peut y détecter d'infimes traces d'eau et de chaleur, ça vaudrait peut-être la peine d'aller voir, on ne sait jamais, on pourrait y trouver quelque chose.

-- Ok, de toute façon, on est là pour ça. Commencez les procédures d'aterrissage!

-- Oui Capitaine.


#



Réunion d'urgence du conseil suprème du royaume de Pajar.

-- L'heure est grave, le vaisseau extra-terrestre a aterri sur le massif rocheux qui surplombe les provinces de l'ouest. Le souffle des ses moteurs a causé des dommages considérables, les villes de Pirshar et de Boula sont complètement détruites, le premier bilan fait état de 750,000 morts. Les villes du centre du royaume sont détruites à 40% suite à de violents tremblements de terre que nous avons ressentis jusqu'ici. Général Tox, avez-vous pu établir la communication avec le vaisseau extra-terrestre?

-- Non Excellence, si vous le désirez, l'armée de l'air est prête à passer à l'action.

-- Si quelque chose ou quelqu'un sort de ce vaisseau et que c'est en proportion à sa taille, nous allons tous être anéanti, pulvérisé, ecrasé. De combien d'appareils dispose l'armée de l'air?

-- 1000 chasseurs et 800 bombardiers, mais je ne pense pas que ce sera suffisant, il se peut qu'ils ne se rendent même pas compte de notre présence.

-- Général, je sais que votre mission est presque impossible, mais avons-nous le choix? Qui sait, il ont peut-être un point faible. Une chose est sûre, nous ne pouvons pas rester ici à ne rien faire. Je veux que vous passiez à l'attaque avec tout ce que nous avons. Que l'on envoie aussi 10 divisions avec l'artillerie la plus puissantes que nous disposions, nous devons tout tenter pour que cette menace à notre civilisation quitte notre planète et n'y revienne jamais plus.

-- Oui, Excellence.


#



Les trois explorateurs descendent l'échelle du vaisseau et mettent les pieds sur la surface de la planète.

-- Un petit pas pour l'homme, mais un grand pas pour l'humani...

-- Ce n'est pas le moment de faire des blagues, Boisvert! Et gardes les yeux grands ouverts, on peut toujours avoir des surprises même si nos senseurs n'ont rien détecté qui bouge ou qui respire.

-- Capitaine!

-- Oui Maria?

-- Regardez là où le roc finit, à 20 mètres, le sol semble différent et je détecte de faibles traces d'eau, c'est là qu'il faut aller voir.

-- Allons-y, mais ne marchons pas trop vite, on se fatigue vite dans cette atmosphère.


#



1800 avions de guerre armés de bombes et de mitrailleuses s'approchent des Terriens.

-- Général, la cible est en vue et trois extra-terrestres sont sortis du vaisseau, ils sont hauts comme une montagne et ils se rapprochent de la partie ouest du royaume, prions Rotbek qu'ils ne piétinent pas des régions habitées.

-- Lieutenant, notre sort est entre vos mains, passez à l'attaque et empêchez-les de descendre du massif.

-- À vos ordres, Excellence.


#



-- Nous y voilà, qu'en penses-tu Maria?

-- Ce terrain est différent du reste de la planète, un kilomètre de long par 500 mètres de large, c'est le seul dans son genre que nos caméras infra-rouges ont détecté. Le sol est plat mais est couvert à certaine endroits de... on dirait de la verdure, mais très très courte, juste assez pour en distinguer la teinte brun verdâtre. Je vais prendre un échantillon.

-- Attends avant de sauter, le sol pourrait s'affaisser sous tes pieds.

-- Vous avez raison Capitaine, on n'est jamais trop prudent. Tenez mon bras, je vais m'étirer la jambe... voilà. Ça m'a l'air dur, il n'y a pas de problèmes.

-- Attendez!

-- Qui-a-t-il Capitaine? Avez-vous...

-- Chut! Tais-toi Boisvert!

-- Écoutez... entendez-vous?

-- Je n'entends rien, et toi Maria?

-- Hum... oui... un bourdonnement... à peine audible.

-- On dirait le bourdonnement d'un essain d'abeilles.

-- Ha, je l'entends maintenant, Capitaine... ho! Regardez, nous sommes entourés de minuscules points noirs qui volent autour de nous.

-- DES MOUSTIQUES!!

-- En es-tu sûre Maria?

-- Que voulez-vous que ce soit d'autres, Capitaine? C'est le seul seul endroit sur cette planète où il y a des traces d'eau, cela a dû suffire pour créer une forme de vie rudimentaire comme des moustiques.

-- Crois-tu qu'ils soient dangeureux?

-- Ça m'étonnerais, ils vivent sûrement du peu d'eau qu'il y a ici et doivent se dévorer entre eux pour se nourrir.

-- Tu veux dire que ce sont des moustiques antropophages?

-- Tais-toi, Boisvert!

-- Oui, Capitaine.

-- En tous cas, il n'y a pas de chances à prendre, abaissez vos visières, on passera par la chambre de décontamination quand on reviendra au vaisseau.

-- Regardez Capitaine, quand j'agite la main, au lieu de changer de direction, les moustiques tombent comme des feuilles. Hahaha, ce ne sont pas des durs de durs comme ceux de la Terre.

-- Aies un peu d'indulgence pour des formes de vie primaires, c'est déjà extraordinaire qu'ils se soient développés dans un tel environnement.

-- Si tu le dis, ma chère.

Le Capitaine regarde autour de lui.

-- Le but de notre mission était de découvrir des formes de vie intelligentes et tout ce que nous avons trouvé jusqu'ici, ce sont des moustiques, mais il ne faut pas se décourager. Retournons au vaisseau chercher les appareils pour récolter des échantillons, nous en profiterons pour manger un peu, nous reviendrons dans deux heures.


#



Palais royal de Pajar.

-- Excellence, nous les avons repoussé, mais au prix de pertes importantes, encore deux ou trois batailles comme celle-là et notre armée de l'air sera anéantie; d'un seul revers de la main, un extra-terrestre a détruit 200 avions. Nos appareils sont retournés à leurs bases et reprendront l'attaque si les envahisseurs décident de ressortir de leur vaisseau.

-- Beau travail Général, malheureusement, l'un d'eux a mis un pied sur notre territoire et dix villages ont été écrasés. L'armée de terre sera bientôt sur place pour vous aider dans votre tâche. Que Rotbek vous bénisse.


#



-- Au travail maintenant, il faudrait bien trouver quelque chose d'intéressant à rapporter sur Terre; des plantes intelligentes, des vers de terre qui parlent, est-ce que je sais moi?!! N'importe quoi pourrait faire l'affaire pour justifier ce voyage couteux. Maria, commences les prélèvements, Boisvert et moi allons explorer les alentours, et n'oubliez pas, nous devons toujours rester en contact radio.

Les trois Terriens avancent à l'intérieur du territoire du Royaume de Pajar afin d'y trouver des traces de vies intelligentes.

-- Alors Boisvert, trouves-tu quelque chose d'intéressant?

-- Non, la seule chose que je vois bouger, ce sont ces sales petits moustiques qui tournent autour de moi.

-- Faits comme moi et agites les bras dans tous les sens, tu verras, dans quelques secondes ils auront disparus.

-- Hahaha, ça fonctionne Capitaine, mais avouez que c'est moi qui vous ai donné le truc il y a deux heures.

-- Et toi Maria, comment vont les prélèvements?

-- Ça va, mais je vous préviens, la récolte sera maigre, il n'y a que des champs d'herbe très courte. J'ai creusé quelques trous mais la terre semble aride, il n'y a qu'en surface que l'on pourra peut-être en tirer quelque chose.

-- Continues, on ne sait jamais, un miracle pourrait survenir.

-- Haha, j'en doute, mais j'admire votre optimisme. À propos, votre truc contre les moustiques, ça marche!


#



-- Excellence, c'est un désastre! Quelques mouvements de leurs bras ont suffi à anéantir notre armée de l'air, il ne reste que quelques dizaines d'avions sur une flotte de 1800 appareils. Des villes entières ont été écrasées et l'armée de terre que vous avez envoyé en renfort a été réduite en poussière d'un seul coup de pied. Je pense qu'ils ne réalisent même pas que nous les attaquons.

-- Il nous reste une petite chance, vous connaissez le projet "Ping"?

-- Vous voulez dire... LA bombe? Mais je croyais qu'ils en étaient encore au stade expérimental?

-- Précisément, ils en ont construit une, capable d'anéantir une grande ville d'un seul coup.

-- Quand allez-vous l'utiliser?

-- Elle est en route vers sa cible.

-- Et quelle est sa cible?

-- L'extra-terrestre qui a mis la province de Taipuk dans un sac. Faites évacuer vos hommes pendant qu'il est encore temps.


#



-- J'ai bien peur que nous ne trouverons rien ici, même les moustiques ont disparus. Maria, as-tu pensé à prendre quelques moustiques comme échantillons?

-- Non, des moustiques on en a trop sur la Terre. De toutes façons, on ne les voit plus.

-- Haha, ils se sont peut-être tous mangés entre eux.

-- Si tu n'as rien à dire, tais-toi Boisvert!

-- Oui Capitaine.

-- HO!!!

-- QUE SE PASSE-T-IL MARIA?!!

-- Ça a fait "POW!" Capitaine! C'est comme si un gamin avait fait exploser un pétard à mes pieds.

-- Restes où tu es, nous arrivons!

Le Capitaine Bélanger et Boisvert courent sur une distance de 100 mètres pour aller rejoindre Maria.

-- Alors Maria, pas de mal?

-- Non, ça va, mais regardez ça, le bout de ma botte est tout carbonisé! Heureusement que ça n'a pas passé au travers, mais je dois avouer que j'ai eu un peu peur. Voyez, le sol est brulé sur un diamètre de 30 centimètres. Je me demande bien ce qui a pu causer cette petite explosion.

-- Mon neveu a une boutique de chaussures, je peux te donner son adresse si tu veux.

-- Boisvert, tu as le don de faire des blagues au mauvais moment.

-- Excusez-moi Capitaine.

-- D'après toi, que s'est-il passé Maria?

-- C'est peut-être des éléments qui sont entrés en contact entre eux pour causer une réaction, je ne sais pas, il faudrait étudier les échantillons de sol pour en être sûr.

Le Capitaine Bélanger regarde autour de lui en fronçant les sourcils.

-- Je commence à en avoir assez de cette planète, on ne trouvera rien ici. Tout ce qui peut nous arriver, c'est qu'on se fasse déchiqueter un pied par ces petites explosions- surprises.

-- Mais Capitaine, on pourrait rester 24 heures de plus, ça me permettrait de récolter plus d'échantillons et...

-- Non Maria, on va se contenter de ce que tu as déjà. De toute façon, tu ne ferais que récolter encore et encore la même chose. Allez, on remballe le matériel et on retourne au vaisseau. Décollage dans 6 heures, direction la Terrre, les enfants!

-- Alleluia!

-- Tais-toi Boivert!

-- Oui Capitaine.


#



-- Ils sont retourné dans leur vaisseau, Excellence. Croyez-vous que la bombe a fait son effet?

-- Je n'en sais rien, mais que Rotbek nous protège s'ils reviennent, nous n'avons plus rien à leur opposer. Des millions de morts, des dizaines de cités réduites en miettes, nous vivons les pires moments de notre histoire Qu'avons-nous fait pour mériter un tel sort?

-- Regardez Excellence, on dirait que... oui, ILS DÉCOLLENT!!

-- Que Rotbek soit loué! Espérons qu'ils ne reviennent jamais plus.


#



-- Capitaine, légère variation du système de stabilisation.

-- De combien?

-- 0.00021%.

-- La surface du roc où nous nous trouvons est trop inégale, c'est ça qui a dû dérégler les stabilisateurs, restes à 100 mètres d'altitude et voles au-dessus du terrain que nous avons exploré, il est parfaitement plat et le système va s'ajuster automatiquement, ça ne devrait prendre que quelques minutes.

-- Ne faites pas ça Capitaine, s'il reste des moustiques, vous allez tous les carboniser.

-- Hahaha, si tu n'existais pas Boisvert, il faudrait t'inventer.

Le Jacques Cartier vole en long et en large au-dessus du royaume de Pajar afin d'ajuster ses stabilisateurs, brulant tout sur son passage.

-- Encore cinq minutes et nous entamerons notre voyage de retour vers la Terre.

-- Ouais, encore six mois dans cette galère.

-- Je n'ai pas hâte d'apprendre à l'Académie des Sciences que nous n'avons rien trouvé.

-- Ne vous en faites pas Capitaine, tout le monde savait au départ qu'il n'y avait qu'une chance sur un million de trouver une forme de vie intelligente lors d'un voyage aussi court.

-- Tu as peut-être raison Boisvert, mais c'est quand même décevant, tant d'énergie et d'argent pour un résultat aussi nul, c'est vraiment décourageant.

-- Pas si nul que ça Capitaine, vous oubliez les échantillons de sol qui sont au frigo, on pourra peut-être en tirer quelque chose.

-- Oublies ça, Maria, s'il y avait une forme de vie intelligente sur cette planète, nous nous en serions aperçus immédiatement.

Boisvert porte son regard sur l'épaule du Capitaine Bélanger.

-- Ho, ne bougez plus Capitaine, un moustique s'est déposé sur votre épaule, il a dû pénétrer dans le vaisseau en même temps que nous... "PAF!"... Voilà, je l'ai écrasé avec ma main.

-- Bien fait Boisvert! Pas question de ramener une de ces bestioles sur Terre!





FIN