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VTX
Voyage dans le Temps eXpérimental



Par Normand Dubois











5

LE VIRUS











"OPÉRATION RÉUSSIE", SAUVÉ!! Ces saletés d'holotouchs n'auront pas ma peau, mais il était moins une! Je regarde la date sur l'écran... oui!! Le 2 novembre 2011. Fantastique! Je suis enfin de retour chez moi, à mon époque! J'ai de la difficulté à le croire, mais c'est bien vrai, je ne rêve pas, je suis parfaitement éveillé. "TU AS RÉUSSI, PAUL!" Terminés les voyages dans le temps! Je sors de la machine bien décidé à la détruire en mille morceaux, pas dans une heure, pas demain, mais IMMÉDIATEMENT! Mais... ce n'est pas tout à fait comme quand j'ai quitté... et où est ma maison?!! Ah non, que s'est-il passé encore? Mais c'est impossible, le message dit bien "opération réussie" et en dessous c'est indiqué "novembre 2 2011". Bizarre... bizarre... je vais aller voir aux alentours, peut-être que je ne suis pas revenu au point de départ exact, c'est la seule explication. J'ai encore le fusil-laser de 2112, je vais le garder avec moi, on ne sait jamais, ça pourrait servir.

Je n'ai pas fait dix pas que je vois un magnifique chevreuil à 15 mètres, pourtant on n'en voit plus depuis vingt ans dans la région. Il s'arrête et me regarde, étrange... il ne se sauve pas, tiens, voilà qu'il reprend tranquillement son chemin. Je continue à marcher et toujours pas de trace de ma maison, ça commence à être inquiétant. Je ne vois que des champs parsemés d'arbres, comme en 2011, mais sans les maisons, la route n'est pas là non plus, je ne vois qu'un sentier étroit, je jurerais que je suis revenu en... non, impossible! Au loin je vois un troupeau de vaches, au moins une centaine de têtes, mais... ce ne sont pas des vaches, ça ressemble plutôt à des...des buffles de l'Artique?!! Ici? Dans cette partie du continent? Les voilà qui se mettent à courir dans toutes les directions, faisant trembler le sol. De plus en plus bizarre. Pour en avoir le coeur net, je décide de grimper dans un grand arbre, là j'aurai une meilleure vue d'ensemble.

Ouf, ça n'a pas été sans mal, mais je suis maintenant au sommet d'un arbre à 20 mètres du sol et je peux voir le paysage à des kilomètres à la ronde. Oh, quel spectacle, les buffles de l'Artique étaient poursuivis par une meute de loups qui ont isolé une bête et qui sont en train de la mettre à mort. C'est incroyable, ça ne ressemble pas du tout à mon 2011, serais-je dans une réserve faunique protégée par l'état? Je me tourne vers l'est et je vois la ville à 10 kilomètres, là où elle doit être, mais on dirait que la moitié de la ville est en ruine, c'est comme s'il y avait eu un gigantesque incendie. Mais que s'est -il passé ici?!! Je dois retourner à la machine pour essayer d'y comprendre quelque chose.

"Pas besoin de ça... pas besoin de ça..." Ah, voilà la machine. L'écran indique toujours "opération réussie" et "novembre 2 2011", et pourtant, c'est un 2011 différent de celui que j'ai quitté. "Réfléchis Paul, réfléchis!" Mais qu'est-ce qui a bien pu... hey, je vois quelque chose sur le sol devant moi, on dirait un panneau en bois presque complètement recouvert de feuilles. Je le soulève, oui, c'est bien ça, un mètre carré et à moitié pourri, mais qu'est-ce que ça fait là? Je le retourne, il y a quelque chose d'écrit à la peinture mais c'est presque illisible, ça doit faire des années que c'est là. Au milieu de panneau il y a des vieux clous tout rouillés, quelqu'un a dû le clouer sur un arbre, et avec le temps il s'est détaché. J'essaie de lire ce qui est écrit mais presque tout est effacé. Je crois distinguer une flèche qui pointe vers le bas et un mot au dessus. La première lettre est un P, aucun doute, le deuxième lettre est complètement effacée, la troisième lettre est un O ou un U, et la dernière lettre ressemble à un I... non, c'est un L, oui, c'est ça. Voyons maintenant,

P-?-O-L ou P-?-U-L..... hein?..... "PAUL?!!" Mais c'est moi ça?!! Hum, j'ai un mauvais pressentiment, quelqu'un a écrit mon nom avec une flèche pointant vers le sol, ça ne veut dire qu'une chose. Avec la crosse de mon fusil-laser je commence à creuser le sol au pied de l'arbre d'où le panneau est tombé. Presque aussitôt, je vois une plaque métallique qui s'avère être le dessus d'un coffret fait d'acier inoxidable. Je le retire de terre et quelques coups de crosse bien placé en font ouvrir le couvercle. À l'intérieur il y a un autre coffret en aluminium. Visiblement, celui qui a enterré cette boîte voulait que son contenu résiste le plus longtemps possible à l'usure du temps. Je soulève le couvercle et à l'intérieur se trouve une enveloppe jaunie par les années avec écrit dessus: "À Paul Latour, voyageur du temps et co-responsable de la disparition de l'humanité." Mon Dieu, qu'aie-je fait encore? J'ouvre l'enveloppe et en retire deux feuilles de texte écrit à la main que je commence à lire avec un noeud dans l'estomac.


"Je mourrais mille fois de mille morts différentes que mes crimes ne seraient pas expiés."

John Cleghorn, 1887


Je n'aurais jamais dû aller à la chasse au faisan cette journée-là. C'était quand déjà? Ah oui, le 19 avril 1914. J'ai vu cette bande de coyotes en train de creuser frénétiquement un trou dans le sol, j'ai tiré un coup de fusil pour les faire déguerpir et Prince, mon fidèle labrador, flairant quelque chose s'est aussitôt précipité en aboyant vers l'endroit où étaient les coyotes. Et c'est là que j'ai trouvé la machine avec un homme mort à l'intérieur, c'est lui qui a attiré les coyotes. Maintenant je regrette d'avoir lu tous les romans de Verne et de Wells et d'avoir une formation scientifique. Ça ne m'a pris que trente minutes pour comprendre à quoi servait et comment fonctionnait cette machine. Ce n'est qu'après deux voyages dans le temps que j'ai compris que l'homme mort dans la machine, c'était toi, ou plutôt un autre toi que tu as été obligé de tuer pour corriger un paradoxe temporel, je sais parce que j'ai été obligé de faire la même chose à quelques reprises. Je connais ton nom et à quelle époque tu vis, je n'ai eu qu'à regarder les pièces d'identifications qui étaient dans le porte-feuille du cadavre. Tu as fait l'erreur d'enterrer la machine intacte au lieu de la détruire, évidemment la plus grosse erreur fut de l'avoir inventé.

Tu as sûrement dû te rendre compte que les circuits temporels de la machine sont plutôt fragiles, et sans le vouloir je me suis retrouvé en 2757. Je n'y suis resté que dix minutes, le temps d'ajuster ces foutus circuits temporels, et j'ai pu revenir à mon époque, en 1914, bien décidé à en finir une fois pour toutes avec ces voyages dans le temps qui frôlent toujours la catastrophe. À mon retour en 1914, j'ai donc détruit la machine, j'allais enfin retrouver une vie normale. Le lendemain, malgré une forte grippe, j'ai recommencé à enseigner les sciences au collège. Vingt-quatre heures plus tard tout a commencé. 40% de toute la population du collège est tombée malade, épidémie de grippe qu'on croyait. Le lendemain, l'épidémie s'était répandue à 50 milles à la ronde. Bilan du premier 48 heures: 4,000 morts. Commences-tu à comprendre? Trois jours plus tard, toute la côte est fut touchée, 900,000 morts. Les plus faibles meurent en vingt quatre heures, on prévoit que les plus forts pourront survivre deux semaines. Douze jours après mon retour de 2757, malgré le blocus et la mise en quarantaine de tous les navires, l'Europe, l'Afrique et l'Asie sont touchées. Aujourd'hui, le 1er mai 1914, le bilan des morts est de 40 millions, "toute" la population sera infectée, "personne" n'y échappe. Les évaluations de nos plus grands savants, enfin, ceux qui sont encore en vie, prédisent que si nous ne trouvons pas un antidote, la race humaine sera extincte dans deux mois. Eh oui, tu as tout compris, j'ai ramené une saloperie de 2757. Virus, germe, bacille, on ne sait pas, les plus grands chercheurs ont trouvé quelque chose, mais ils ne parviennent pas à en comprendre la structure, c'est du jamais vu qu'ils disent. Tout ce que l'on sait, c'est que le virus ne s'attaque qu'aux humains. Des confrères m'ont dit qu'avant de mourir, les dernières paroles du prix Nobel de chimie, le professeur Goddard, ont été: "Ça ne vient pas de notre planète, nous allons tous mourir!"

Et c'est moi le responsable de la disparition de la race humainme sur Terre. Il ne me reste qu'un jour ou deux à vivre et la mort sera pour moi une délivrance. Toi aussi, tu es responsable, c'est "ta" machine que j'ai trouvé. Si tu n'avait pas enterré la machine intacte, rien de cela ne serait arrivé. Si je n'avais pas détruit la machine, je pourrais peut-être réparer ma tragique erreur, je pourrais retourner en 2757 en espérant que les savants du futur aient trouvé un antidote, tuer mon autre moi à son arrivée en 2757, et revenir en 1914 non infecté grâce à l'antidote, je pense que ça pourrait marcher. Le problème est que je n'ai plus de machine. Mais il reste peut-être une petite chance de sauver l'humanité: toi! Si tu as encore la machine, si tu n'es pas déjà mort, si tu vois le message que je t'ai laissé dans les bois, si tu veux, si tu es assez fort pour réaliser ce plan. Je sais, ça fait beaucoup de "si", mais tu es le seul espoir de l'humanité. Autre chose, je suis désolé de t'apprendre que si tu es en train de lire cette lettre, il y a de fortes chances que tu sois déjà infecté, cette saloperie a la vie dure. Si tu veux vivre et retrouver un monde normal, tu dois te rendre en 2757 et corriger mon erreur. Voici comment procéder, et crois-moi, c'est la seule façon.

PREMIÉRE ÉTAPE: Avant d'aller en 2757, reviens au 18 avril 1914, soit un jour "avant" que je n'infecte la planète, de façon à arriver dans un futur non altéré. Mais attention, étant toi-même infecté, n'ouvres surtout pas le couvercle et repart le plus vite possible pour éviter tout risque de contamination.

DEUXIÈME ÉTAPE: Transportes-toi le 27 septembre 2757 qui est la date de mon arrivée là-bas, tues-moi et détruis ma machine. De cette façon, je ne retournerai pas en 1914 et je n'infecterai pas la planète.

Simple, n'est-ce pas? Si tu ne rencontres pas de difficultés, ça devrait marcher et le temps reprendra son cours normal. Pour le reste, c'est ton problème, mais n'utilises pas la machine à moins d'être bien sûr que tu ne sois plus infecté. Après, il te restera une dernière chose à faire: détruire la machine. C'est le plus grand service que tu rendras à l'humanité.

Pierre Tomlinson
Professeur de sciences
Collège Ste-Marie
1er mai 1914



Ooooh.... il a raison.... je suis un monstre.... c'est moi le responsable, rien de pire n'aurait pu arriver. Au fond, plus rien ne m'étonne avec cette machine, c'est toujours la même chose, un malheur n'attend pas l'autre, mais cette fois-ci l'impensable est arrivé, par ma faute... ma faute. Évidemment, ça explique tout, les buffles de l'Artique ont pu descendre vers le sud sans crainte d'être exterminés par leurs plus grands prédateurs: l'homme. Et la ville à moitié brulée, il a dû y avoir un incendie, mais à quoi bon le combattre, presque tous les habitants morts, ceux qui restaient devaient être sans forces, sans espoir, ça a dû être terrible. L'ironie dans tout cela, c'est que celui qui a causé la disparition de tous les humains sur Terre soit le seul qui ait survécu. Je suis le plus grand assassin de l'histoire de l'humanité et il n'y a plus personne pour me condamner.

Quand je pense que si je n'avais pas..."AAAAATCHAW!" Merde, ça y est! Je viens d'attraper le virus. Je n'ai pas le choix, je dois aller en 2757 et réparer les dégats. La ronde infernale des voyages dans le temps est repartie, j'espère de tout mon coeur que cette fois-ci sera la dernière. Difficile à croire qu'il y a à peine trois jours, j'étais chez moi, tranquille, avec $1,000,000.00 en banque. Je suis vraiment le roi des imbéciles, je donnerais le million qu'il me reste pour que tout redevienne comme avant. Si je parviens à rétablir le cours normal du temps et revenir à la maison, je vais m'acheter un chien... non... deux chiens, et je vivrai en ermite, oui, c'est ça, comme un ermite, ahhh, le bonheur!

Ce Tomlinson a décrit une marche à suivre qui m'apparaît tout à fait logique et j'ai le fusil-laser que j'utiliserai pour le tuer. Ça devrait marcher, mais le problème avec ces voyages dans le temps, c'est que rien ne fonctionne comme prévu. De toute façon, je n'ai pas d'autre alternative, "allez Paul, tu es un parfait salaud, mais tu peux te racheter."

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Voilà, je suis dans la machine et la programme pour le 18 avril 1914, soit un jour avant que la Terre ne soit infectée, je presse le bouton vert. "OPÉRATION RÉUSSIE", bravo! Je reprogramme immédiatement la machine pour le 27 septembre 2757, logiquement je devrais arriver dans un monde non altéré. Si ça marche, cela voudra dire qu'il y a maintenant deux univers différents: un avec des humains, l'autre sans humains, phew... je presse le bouron vert, c'est parti!





Chapitre 6